Textes DhmR!

Avancer masqué (par Nicolas Thély)

                                                                                                                      

extrait de l'article "Tendresse Sauvage" - Petit Bulletin N°783

[...] on pourra assister en première partie à une performance forcément barrée de La Revanche de France Fermier. Un one-woman-band d’origine locale à peine contrôlée, dont le principe est simple : se réapproprier des chansons emblématiques de chanteurs anglophones morts brutalement, en traduire les paroles littéralement en français, et les interpréter d’une voix diaphane sous tranquillisant, avec l’aide d’un clavier Casiotone. Ce qui nous donne des titres aussi vaporeux que L’amour nous déchirera encore (d’après Love will tear us apart de Joy Division), Coupe-moi le souffle (Take my breath away de Berlin), Où as-tu dormi cette nuit (Where did you sleep last night, repris en son temps par Nirvana, dont un morceau, Frances Farmer will have her revenge on Seattle, donne son nom à la formation). Comme ça, c’est sûr que ça peut faire peur. Mais la curiosité étant notre biatch, nous ne pouvons faire autrement que nous y rendre. Et vous aussi.


FC


                                                                                                               




Se faire participer: étude des dynamiques des possibles créatifs conscients

"... DhmR est un label CD-R de musique parmi tant d'autres. Cependant, ce dernier est particulièrement intéressant, dans le sens où il génère bien plus que des productions sonores, visuelles ou même scéniques.
L'activité de ce label ouvre une brèche dans des réflexions quasi antrhopologiques touchant aux mouvements de la création, de l'infra-praticabilité de son monde, du réseau. On se référera pour ce dernier à la théorie du "Friendship" énoncé par Raphaël Charpentié, plasticien et co-diffuseur du label Dick head man Records."
Marie Jenlain



                                                                                                         



Dick head man Records, music electro ménager


Moulinex

Label de variété musicale, D*** head man Records, comme il se nomme pudiquement, « Dick » pour les intimes, harangue le badaud des concerts sans étiquettes, faisant la réclame de ses choix acoustiques, comme il se distingue par le port de tête : majestueusement. Né à Grenoble en 1977, vivant et travaillant alternativement à Amsterdam, Londres et Toulouse, Dick se laisse influencer par le silence de Reykjavik les jours de pluie. Et il y a fort à parier que l’ennui joua un rôle prépondérant dans son désir de se lancer dans l’industrie de la musique. Les jours sont longs en Islande. Les nuits aussi.
Toutefois l’analogie s’achève ici. DhmR sera incontestablement à l’industrie du disque ce que Paul Lafargue fut au développement du capitalisme : inutile et irritant. Déstructurant systématiquement les genres musicaux, Dick touche à tout et s’affiche en producteur d’artistes polyvalents et surdoués. Constituant un catalogue prolixe et chamarré, qui ne fait que croître de manière exponentielle depuis sa création en 2003, les artistes DhmR passent d’un genre à une musique d’expérience. Avec éclat, DhmR soutient la diversité musicale. Et ses artistes sautillent d'une chanson française un peu mutante – que ne renierait pas Carla Bruni – à un hard-rock-musclé-des-familles en pratiquant des détours acrobatiques par une pop déviante, une dub déstructurée ou encore une electronica jazzy parfaitement suspecte. Un punk incantatoire scande avec rage et ferveur : « Boulez, fils de chien ! » Nous sommes dans le vrai. Chez DhmR, la trance goa fait vibrer les tympans et transpirer les gencives comme il se doit. Et chaque genre est fidèle à ses critères. Nous ne sommes pas déçus. Nous sommes comblés. Tout est bon et même plus. Comme une surabondance de cannelle dans l’apple pie. Ça déborde, nous avons les dents du fond qui baignent. Et quand nos oreilles sont cuites, il faut les manger ! Des nappes et des couches de références. Tant et si bien que rien ne sert de s’y attarder, sauf à passer à côté de son plaisir.
Naviguer avec lyrisme et légèreté d’un registre à un autre pour mieux les mettre à niveau et ne retenir que la présence systémique de D*** head man Records : vaste projet musical qui consiste à tout passer par le prisme du robot Moulinex et à en extraire une musique glocale, un non-genre aporétique et a-commercial, conjuguant toutes les typologies actuelles. Motorisé par un profond et ambigu désir de glorifier et ridiculiser tour à tour les standards, de rendre l'écoute stupide, d'admettre et (peut-être) de faire admettre qu'en dehors de D*** head man Records rien ne peut survivre qui ne soit sérieusement impertinent. DhmR se fait broyeur de musiques de films, de musiques de Georges, de vinyles collectors en vente dans les bacs, de FFFF et autres bombastic albums estampillés Inrock, de brass bands à gogo potentiels qui ne sortiront jamais du domaine du suppositoire. Voici un label d’artistes qui dégraisse la musique plasticienne ! Et comme avec quelque coton-tige abrasif, nous nous réjouirons d’un « ça fait mal, mais c’est bon ! ».



Bras-dessus, bras-dessous

Mass Murder Mouses, REgINA, Ggru, Raoul Beckman ou encore Super Polar sont des formations produites par DhmR, mais également composées de membres qui fondent le label. Aussi, tout le monde brouille les pistes. : une trentaine de groupes pour une quarantaine de disques produits à ce jour ; un noyau dur et une quinzaine d’artistes au total. Multipistes, multipostes, tous s’influencent et rivalisent dans un jeu de dédoublement inspiré par les schtroumfs, ou les filles sont évanescentes et les méchants méchants. Des enregistrements pirates du catalogue DhmR circulent à l’intérieur même du corpus. On dit que certains cherchent le putsch. Que Dick est un tyran qui ne sort jamais de sa chambre. Qu’il contrôle tout ; à plusieurs endroits au même instant. Qu’il serait à l’origine d’un projet dont la première règle est de ne pas en parler. Artiste démiurge aux mille patronymes, Dick ne laisse rien au hasard. Un jour, il viendra frapper à votre porte et vous l’aurez cherché.

Dans l’action, Dick ne néglige toutefois pas la théorie et fait de DhmR le terrain expérimental de vastes réflexions. Label au grand cœur, DhmR est à la fois l’origine et la conséquence du Manifeste actualiste en musique, ou le son perpétuel à l’époque de sa ductilité technologique. Autrement dit : rien de mieux ne se fait aujourd’hui que ce qui se fait aujourd’hui. Et rien ne peut être plus plaisant, salvateur et vivifiant que de moduler ce qui se produit à la fois de pire et de meilleur, et d’en jouir. Passant d’une joie ineffable à se moquer des clichés les plus tenaces au plaisir simple d’une musique facile et fascinante, le collectif brille par sa modestie et la non-spécialisation de sa production. Et considérant qu’à la première écoute toute prétention qualitative au sens joli du terme tombe à l’eau, que reste-il ? Un essai, un effort perpétuel, un accident permanent, un slalom haletant et chavirant d’un genre à un autre, une course sanitaire les pieds nus dans le chantier des variétés de la Fnac, une cuisante victoire sur la « musique de disque » ! Plus qu’un label, Dick représente l’Homme Nouveau. Déterminé par tout ce qui se fait de « moyen », il embrasse à bras le corps les artistes du monde entier. D’ores et déjà, il côtoie les plus grands. Il se réclame de tous et tous le réclame. Sa notoriété sera incontestable tant son ambition est tentaculaire. The Eternal Dick Network is not a virtual crime!


Raoul McCain

In Deep Vibrations n°168, NY – March 2005
Traduit de l’anglais par Nicolas Audureau

 

                                                                         

 

Kunst : a Dick head man Records Retrospective

(dossier de presse de l'exposition KUNST)


 C’est la première fois que le label Dick head man Records s’expose en tant que tel. Généralement pudique et discret, le label fait le premier pas vers une monstration de ses champs d’actions, de sa composition interne et il le fait sous le forme d’une « kunst » rétrospective.
Cependant, l’exhaustivité de l’exposition est voué à l’échec : le fonctionnement à géométrie variable, quasi quantique du label rend sa visibilité quasi impossible. Des groupes se revendiquant du label naissent tous les jours, au quatre coins du monde, et ce, au moment même où j’écris ce texte. Il est donc impossible et imprudent de vouloir cristalliser le corpus évanescent DhmR.
Le mot « Retrospective » a beaucoup moins à voir avec un regard contenté sur les productions passées, qu’avec l’inépuisable excitation générée par la potentialité de réaction qu’offre le moment présent.

Kunst : a Dick head man Records Retrospective” est aussi le titre d’une vidéo, placée au centre de l’exposition. Elle diffuse pèle même des moments de concerts et leurs aléas ainsi que des clips difformes réalisés par des artistes tels que Sóldis Snær Sturludóttir, Dark Bull, Emilie Laure Knobloch, Krystjan Zaklinsky, Camille Laurelli,…

Autour de cette vidéo, gravitent d’autres formes :

            « Un-exhaustive » est une liste des groupes qui composent le label. Une forme sévère d’ores et déjà obsolète, dégonflée par son incapacité à être pérenne.

« Tino ». Sculpture de la jeune artiste Angela. Angela est une fille-lapin. Et Tino est aussi le titre de son premier album.

« The Cheap ». Dessin au blanco réalisé par Kim Kroux , dessin à l’effigie de son groupe de pop. Kim Kroux s’inspire des blasons des prestigieuses universités américaine prenant place sur le sol des gymnases. (Ici le prestige est tout relatif.)

« Carte blanche à DJ Casquette ». Playlist diffusée par un ghetto blaster. Les curateurs ont décidé de donner les pleins pouvoirs à la subjectivité de DJ Casquette. Il a la lourde tâche de sélectionner un morceau par groupe du label. Rien d’impossible pour ce DJ au background musical à 360°.

Au mur, une collection de photos, de dessins, de peintures, de flyers, témoignant du réseau inter-activités qui dynamise le label. Sur le mur se côtoient fans, artistes, musiciens, artistes musiciens, musiciens artistes, artistes fans,…
            « Multipistes et multipostes » les artistes Dick head man Records présentent, se représentent et se font représenter. Ainsi les peintures de Fanette Muxart intitulées « fans» représentant les membres du groupe Ggrü, les dessins de chiens à la dignité écorchée de Capitaine Sentiment, les autoportraits photographiques de Zim Becker, Nemrod Briskausen ou de Raoul Beckman  et des photographies de concerts prisent par des anonymes se confondent dans une non hierarchisation totale.


                        Kunst : a Dick head man Records Retrospective est une « exposition conséquence ». Elle se plie au fonctionnement de ce label protéiforme. C’est un état de fait à redéfinir perpétuellement. Un entrelacs d’idées, d’activités de génies qui n’auraient ni chefs, ni d’œuvres.


Marie Jenlain, sociologue et critique d’art.





                                                                                         




LABEL  PANORAMIQUE

« … En trois ans d’innexistence, le label Dick head man Records est devenu le réceptacle ouvert de l’ultra-musique. Ce n’est pas la musique que l’on écoutait hier. Ni celle que l’on écoutera demain. Mais une musique qui a toujours existé, que l’on a toujours ignoré car trop aveugle pour l’entendre. »

Loic Papino
 (parut dans BASS’ TONE N° 5)




                                                         





Jouons à la musique.

Du mode conditionnel comme postulat de création.

« On dirait qu’on aurait un groupe et qu’on ferait de la musique ».

Dès le départ, les carcans inhérents à ce que l’on pense être la musique, ou comment on doit la faire, s’effacent pour laisser place à une liberté salvatrice.

Il est facile à parcourir, le chemin pour trouver en soi cette volonté d’intégrer comme clé d’interprétation ce modus operandi. Plus qu’une attitude qui devient une forme, l’attitude ici est un système de référence, un sixième sens.

Au-delà de son aspect agréablement bêtifiant, le  « jouer à la musique » pose la question de la bouffonnerie au sens noble du terme.

Comment entendons nous la musique aujourd’hui ?
Comment faisons nous cette musique, qui la comprend et qui l’écoute ?

Dickheadmanrecords est bien plus qu’une tarte à la crème sémantique.
C’est une « auto mise en abîme » perpétuelle, ce n’est pas une prise de position, mais un réel magma des possibles, gargouillant sous la mince croûte de lave durcie qu’est notre besoin de créations finies et délimitées.

Nous sommes plus heureux dans les échafaudages en bambous et les cabanes en draps que dans les salles chirurgicales aux atmosphères purifiées.

Nous ne rentrons pas dans les cathédrales des conservatoires, des studios sons high-tech, les antichambres des producteurs cools aux 4x4 rutilants…

Nous les avons déjà absorbés, ils nous appartiennent, et tel un enfant de six ans avec un feutre et un cahier devant un tableau de Miro, nous engloutissons tout ce qui se trouve à portée de notre pensée.



Raphaël Charpentié



                                                                                                                                                             




Musique Chronique


"A la FNAC il y a des trucs bien et des trucs qui puent"
                                           Nemrod Briskausen (artiste dick head man Records)

                                                                                                                                  
Dick head man Records est un Label musical né on ne sait où, comment ni même vraiment quand. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il est né d’un soulèvement, de l'envie d’artistes, de faire valoir une diversité musicale déviante.

            Le jeune (?) label diffuse désormais une trentaine d'artistes d'horizons très différents tant au niveau géographique ( Etats-unis, Chine, Scandinavie, Mérignac, Europe de l'est, Bourgogne,...) que musical. On peut même désormais soumettre l'idée que grâce à Dick head man Records, "Artistes de Variétés" n'est plus un terme dévalorisant.
            De l'électro minimal au dance floor, en passant par la chanson française réadaptée, s'engouffrant dans les expérimentations sonores les plus osées, DHMR sans complexe, sans prétention ni même ambitions, si ce n'est celle d'exister, et malgré une invisibilité quasi totale, se retrouve sous une neige d'éloges. Conscient de l'effet de serre et de la fonte des glaces, notre iceberg sonore poursuit sa route tranquillement nous promettant de belles surprises.
           
Toutes les productions sont gravées à l'unité par les artistes eux même. Il n'y a aucun filtre à la production. Aucune sélection.
            "C'est la qualité de l'envie à faire, à produire, à faire exister des façons de faire, qui nous intéressent en premier plan" nous confie Clôde Coulpier, co-diffuseur du label.
           
            Bien plus qu'un réel label dans lequel serait enfermé un certain type de musique, Dick head man Records est un signe de ralliement, un drapeau invisible hissé haut dans les ondes sonores de la diversité.


            Gérald Da Palmès
 (parut dans PALMARES #4 en mars 2004)